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INTRODUCTION
Le nombre de sujets hémodialysés est en constante augmentation dans les pays développés. Or les insuffisants rénaux chroniques, et plus particulièrement les hémodialysés, sont très exposés aux infections bactériennes. Parmi ces infections, l'endocardite infectieuse, dont le profil épidémiologique s'est considérablement modifié au cours de ces dernières années est décrite de plus en plus fréquemment chez les hémodialysés. Cette évolution récente a surtout été observée aux USA. Il n'existe que peu de données sur ce sujet en France. Un recueil prospectif exhaustif des cas d’endocardite infectieuse a été réalisé en France au cours de l'année 1999. Cette étude a concerné environ un quart de la population française. Nous avons extrait de cette série les cas d'endocardite infectieuse survenus chez les patients hémodialysés chroniques. Nos objectifs étaient d'abord de déterminer l’incidence annuelle de cette infection dans ce sous groupe, puis de faire une description clinique des cas observés. Enfin, quatre ans après la réalisation de l'étude, nous avons étudié le devenir des patients ayant survécu à l'endocardite, pour préciser la survie tardive de ces patients. Dans ce travail, nous ferons dans un premier temps un rappel sur l’endocardite infectieuse, puis sur l’hémodialyse. Puis nous présenterons notre étude personnelle des cas d'endocardites infectieuses chez les hémodialysés issus de l'enquête française de 1999. Enfin, nous présenterons une analyse de la littérature récente sur ce sujet.
Décrite pour la première fois en 1885 par William Osler [Osler, 62] l’endocardite infectieuse se définit par des « lésions ulcérovégétantes liées à la greffe sur l’endocarde valvulaire, beaucoup plus rarement pariétal, ou sur une prothèse intracardiaque d’un micro-organisme, le plus souvent bactérien »[Delahaye, 18]. Autrefois maladie du jeune adulte porteur d'une valvulopathie post-rhumatismale, l'endocardite infectieuse a vu son profil épidémiologique se modifier considérablement au cours de ces dernières années. Les portes d’entrée du germe sont actuellement multiples, le plus fréquemment digestives, stomatologiques, mais aussi cutanées et iatrogènes (voies d’abords veineuses, endoscopies). Lors des premières descriptions, l’endocardite infectieuse était toujours mortelle. En 1951, Cates et Christie [Cates, 12] publient une série de 422 endocardites infectieuses traitées par pénicilline. Le taux de guérison est voisin de 100 %. Depuis l'éradication du rhumatisme articulaire aigu, les valvulopathies rhumatismales ont progressivement disparues. Les personnes atteintes d’endocardite sont plus âgées. De nouvelles situations à risque de greffe oslérienne sont apparues, (valves cardiaques prothétiques, voie d’abords vasculaires permanentes, développement de la toxicomanie…).
Les ulcérations peuvent être responsables de délabrements valvulaires majeurs, de la déchirure d’une sigmoïde aortique ou des deux feuillets mitraux pouvant aller jusqu’à l’anneau valvulaire. Ces formes sont responsables d’une insuffisance cardiaque congestive qui constitue la cause de mortalité de loin la plus fréquente des endocardites infectieuses « aigues ». Elles imposent le plus souvent des remplacements valvulaires prothétiques. Les ulcérations touchant le bord libre des feuillets valvulaires, les perforations de petit diamètre sont plus fréquentes dans les endocardites infectieuses « lentes ». Pour la plupart le traitement sera médical, ou suivi d’une plastie valvulaire conservatrice. Les végétations sont qualifiées de « grosses végétations » au delà d’un centimètre de diamètre. Elles sont constituées d’une apposition successive d’amas fibrinoplaquettaires, au sein desquelles on trouve des colonies microbiennes. Les conséquences peuvent être liées soit à la taille, responsable de sténose sur l’orifice valvulaire ou des orifices coronariens pour les plus grandes végétations sigmoïdiennes, soit au risque embolique pour les végétations mobiles. L’infection peut également créer une rupture des cordages. ![]() Image 1 : Végétations sur une valve mitrale http://medlib.med.utah.edu/WebPath/TUTORIAL/SLE/SLE014.html Dernier accès le 05/06/2004 ![]() Image 2 : Lésions ulcérantes http://medlib.med.utah.edu/WebPath/CVHTML/CV145.html Dernier accès le 05/06/04 ![]() Image 3 : Rupture de cordage http://edcenter.med.cornell.edu/Pathophysiology_Cases/Vascular_Infections/4623.gif Dernier accès le 05/06/2004
Les germes ne se fixent pas à la prothèse, réalisée en matériel inerte, mais à l’anneau fibreux péri valvulaire sur lequel la prothèse est suturée. L’évolution de l’infection peut se faire vers l’abcès ou vers la désinsertion de la valve. La formation de végétations à partir de l’anneau peut gêner le fonctionnement de la valve réalisant une sténose ou une insuffisance valvulaire. La fréquence des endocardites infectieuses sur prothèse valvulaire tend à diminuer : 22% en 1991 dans l’enquête épidémiologique française de Delahaye [Delahaye, 17], 16% dans la nouvelle étude de 1999 de Hoen [Hoen, 28].
Elles sont assez rares 7 et 10% respectivement dans les séries de Delahaye et Hoen. Elles touchent principalement les toxicomanes et sont plus rarement secondaires à la contamination d’un cathéter veineux ou d’une sonde de stimulation intracavitaire. Elles sont responsables dans 80% des cas d’embolies pulmonaires. Le pronostic est en général meilleur que pour les endocardites du cœur gauche. Ces multiples lésions cardiaques possibles doit amener à recourir à un avis du chirurgien cardiaque dès lors que les traitements médicaux ne maîtrisent pas correctement l’infection avant que les lésions ne s’étendent ( intracardiaques ou par emboles ) et ne deviennent irréparables. Dès que la chirurgie est indiquée, elle doit être réalisée sans délai [Olaison, 61].
L’extension de l’infection intracardiaque peut se faire soit de proche en proche soit par de microemboles coronariens. Les abcès cardiaques, dont les abcès périannulaires, sont formés par la propagation de l’infection au niveau de l’anneau fibreux d’insertion de la valve. Ils touchent dans 30 % des cas l’anneau aortique, et dans 10 % l’anneau mitral [Loire, 45]. De là, l’abcès s’étend au myocarde ou au septum pouvant s’ouvrir dans une autre cavité créant ainsi une fistule intracardiaque. L’atteinte du tissu nodal, du faisceau de Hiss peut causer des troubles de conduction. Si l’abcès se forme autour d’une prothèse valvulaire, il peut alors créer la désinsertion de celle-ci. Les embolies coronariennes sont présentes dans 10 à 15 % des cas à l’autopsie [Loire, 46]. Elles sont la conséquence de l’enclavement d’une artère coronaire par une végétation aortique. Elles sont mortelles une fois sur deux. Les péricardites suppurées surviennent lors de l’effraction dans le péricarde d’un abcès myocardique. Elle représente une fréquence de 14% dans une observation de Loire et Tabib [Loire, 44]. Les myocardites, de diagnostic plus difficile, sont formées par la migration de micro emboles coronariens pouvant être à l’origine d’une insuffisance cardiaque. La fréquence est de 27% dans la même étude.
L’incidence annuelle de l’endocardite infectieuse est stable, de 24,3 à 30 par million d’habitants en France dans les séries respectives de Delahaye [Delahaye, 17] et Hoen [Hoen, 28]. En comparaison à un autre pays européen, l’incidence rapportée par l’étude d’Hogevik. en Suède est de 59 par million d’habitants (selon les critères de Von Rey modifiés incluant les endocardites infectieuses certaines et possibles) [Hogevik, 31]. En 1986 elle était en France de 18 cas par million selon Goulet [Goulet, 25]. L’âge moyen est de 59.5 ans (16-95) en 1999, il était de 50 ans en 1986. Ce vieillissement de la population a déjà été rapporté pour d’autres pays [van der Meer, 81]. Il pourrait expliquer en partie l’évolution de la maladie pour les germes fréquemment rencontrés, ainsi que la fréquence des endocardites sur valves prothétiques et donc un taux de mortalité toujours autant élevé.
Les risques d’endocardite sont accrus chez les patients présentant un antécédent valvulaire. La répartition des pathologies cardiaques préexistantes à l’endocardite dans l’étude épidémiologique française de 1999 est présentée dans le tableau 1.
Tableau 1 : Antécédents valvulaires avant endocardite dans l’étude d’épidémiologie de 390 endocardites infectieuses en France en 1999. L’endocardite infectieuse touchant le patient porteur de prothèse valvulaire est en régression. L’incidence est de 6,9 épisodes d’endocardites par million d’habitant en 1991 alors qu’elle est de 4,7 en 1999. De même, l’incidence de l’endocardite chez le patient porteur d’une pathologie valvulaire a diminuée de 20,6 en 1991 à 15,1 épisodes par million d’habitants en 1999. La proportion d’endocardites infectieuses touchant les patients à valve saine est donc en augmentation. On peut expliquer cette évolution par une prévention plus agressive de l’endocardite infectieuse chez les patients « valvulaires », par une forte diminution du rhumatisme articulaire aigu et donc de ses complications cardiaques, et par une sous évaluation des pathologies valvulaires des patients âgés [Hoen, 28]. Un antécédent d’endocardite infectieuse est un facteur de risque à par entière de nouvel épisode. Un antécédent d’endocardite infectieuse est noté pour 35 cas sur 390 (9%).
En raison du fort taux d’endocardites nosocomiales, nous distinguons les portes d’entrées classiques et iatrogènes
Elle est stomatologique dans environ 25% des cas, c’est la porte d’entrée la plus connue et fréquente. Mais elle peut être d’origine cutanée (plaie, pose de piercing…), digestive (polypes intestinaux, carcinome colique), ORL, urinaire et génitale.
27% des portes d’entrées non dentaires sont d’étiologie iatrogène dans l’étude de Delahaye en 1991. Les effractions cutanées réalisées par des procédures invasives (cathéter intraveineux, chambre implantable, cathétérisme cardiaque, pose de stimulateur cardiaque, hémodialyse, circulation extra corporelle) sont sources de bactériémies à staphylocoques. Les autres situations à risque sont la chirurgie gastro-intestinale, la coloscopie, toute chirurgie cutanée, la chirurgie pelvienne en particulier des voies urinaires. La multiplication des gestes invasifs augmente les risques bactériémiques. Quelques cas d’endocardites après angioplastie coronarienne avec pose de « stent » sont décrites [Leroy, 42].
Le taux de mortalité hospitalière décroît légèrement depuis une dizaine d’année en France (21.6% en 1991 contre 16.6% en 1999). Il est de 24% chez les patients porteurs de prothèses valvulaires contre 12% pour ceux avec valves natives. Les patients ayant bénéficié d’un traitement chirurgical ont une mortalité de 11% alors qu’il est de 20% pour un traitement uniquement médical. La mortalité intra hospitalière varie également en fonction du germe. Elle est plus forte pour le staphylocoque (25%) que pour le streptocoque (11%).
Si la fièvre est présente dans 91% des cas, elle n’est pas spécifique. Chez un patient valvulaire ou présentant un souffle cardiaque, le clinicien évoquera facilement le diagnostic, mais comme nous l’avons vu 47% des patients n’ont pas d’antécédent valvulaire connu. De plus la présence d’un foyer infectieux autre que cardiaque (qui peut d’ailleurs être la porte d’entrée) peut égarer le médecin. Les signes cliniques d’une endocardite infectieuse :
La splénomégalie est très fréquente : 20 à 50% des cas. Lamas a proposé de l’intégrer aux critères de Duke [Lamas, 38]. Les signes cutanéomuqueux, plus spécifiques, sont présents dans 5 à 30% des cas : le « faux panaris » d’Osler (nodosité rouge localisée à la pulpe des doigts et des orteils), l’érythème hémorragique (tache de Janeway), les taches de Roth sur la rétine, le pétéchies touchant la conjonctive ou la muqueuse buccale. Il est indispensable de rechercher ces signes en raison de leur appartenance aux critères mineurs de la classification de Duke.
En raison des difficultés à établir ce diagnostic, plusieurs classifications ont été proposées, dont la première par Pelletier en 1977 [Pelletier, 63]. Von Reyn et al. [von Reyn, 83] proposent en 1981 la première classification mondialement reconnue aussi appelée classification du Beth Israël. Elle permet de définir quatre catégories : endocardite certaine, probable, possible ou exclue. Une endocardite ne peut être qualifiée de « certaine » que sur confirmation anatomopathologie (histologie ou culture d’une végétation), donc après chirurgie ou autopsie. C’est cette classification, à laquelle sont ajoutées les données échographiques, qui est utilisée par Delahaye pour l’étude épidémiologique française de 1991. Le développement des techniques échographiques trans-thoraciques puis trans-oesophagiennes a révolutionné le diagnostic de l’endocardite. Ce qui conduit Durack et al. à proposer la classification de Duke [Durack, 20] qui est encore actuellement la référence pour permettre le diagnostic d’endocardite infectieuse. La sensibilité de la classification de Duke est environ de 80 % alors qu'elle n'est que de 40 % pour la classification de Von Reyn. La classification de Duke comprend trois catégories : endocardite certaine, possible ou exclue. Les critères d'inclusion sont déterminés dans le tableau 2. La définition des critères majeurs ou mineurs est présentée dans le tableau 3.
Tableau 2 : Classification diagnostique des endocardites infectieuses selon les critères de Duke
Cette classification a fait l'objet de plusieurs propositions de modifications comme l'intégration de la splénomégalie en critères mineurs par Lamas [Lamas, 38], la considération d'une sérologie positive pour Coxiella burnetii comme un critère majeur par Fournier [Fournier, 22], et lié aux technologiques récentes, l'intégration d'une PCR positive sur biopsie valvulaire comme un critère majeur par Gauduchon [Gauduchon, 24]. De même l'université de Duke a proposé une modification de la classification afin de mieux déterminer la catégorie en considérant pour une endocardite un critère majeur et trois critères mineur comme une endocardite infectieuse possible [Li, 43]. |
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