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DROIT COMMUNAUTAIRE INSTITUTIONNEL Introduction Le droit constitutionnel de l'Union européenne ne résulte pas d'un instrument juridique unique. La création de la première Communauté, la CECA, a marqué le point de départ d'un mouvement qui reste encore inachevé et qui a entraîné l'addition de couches successives aux textes originaux. Cette accumulation de traités imposait de réaliser un effort de simplification. Le traité établissant une Constitution pour l’Europe poursuivait cette ambition puisqu’il entendait abroger les traités antérieurs pour mieux les refondre dans un texte unique. Sur ce point, le traité simplifié qui est actuellement en cours de négociation apparaîtra comme une régression puisqu’il devrait laisser coexister 2 traités. L’autre facteur de complexification tient à l’élargissement impressionnant de l’Union européenne. Conçue à l’origine pour 6 Etats, la construction européenne en "fédère" aujourd’hui 27 et l’extension n’est toujours pas achevée ! « La construction communautaire est portée par une dynamique d’extension continue » (R. Mehdi), dynamique qui nous présenterons dans un premier temps (I). Nous verrons ensuite, dans un deuxième temps de l’introduction, qu’après plus de 50 ans de construction communautaire il est toujours impossible de qualifier, de déterminer la nature juridique de l’Union européenne (II). Enfin, nous dirons quelques mots de la méthode qui a permis le développement de la Communauté européenne. Ce sera l’occasion de souligner le dynamisme communautaire (III).
Ce phénomène d’expansion est autant qualitatif, à travers l’approfondissement de l’œuvre commune (A), c’est-à-dire la mise en commun de toujours plus de compétences, que quantitatif, compte tenu de l’impressionnant élargissement qu’a connu l’Europe des 6 (B).
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la construction européenne s’est imposée afin :
L’appel lancé en faveur d’une Union librement consentie des Etats européens par le Congrès de La Haye en 1948 portera ses fruits. En effet, on voit apparaître nombre d’organisations ayant pour but de pacifier le continent européen et d’assurer la relance économique :
Dès l’origine, la construction européenne s’est démarquée des organisations internationales classiques. Comparée à l’OTAN ou à l’OECE, la CECA repose indéniablement sur une logique différente. La CECA poursuit des objectifs apparemment beaucoup plus modestes que les autres organisations internationales. Elle tend en effet uniquement à mettre en commun les productions françaises et allemandes de charbon et d’acier. On pourrait presque reprocher aux concepteurs de cette communauté de manquer d’ambition ! Oui mais voilà, Jean Monnet a vu juste en choisissant, dans un premier temps, de consacrer tous ses efforts à ces matériaux extrêmement sensibles que sont le charbon et l’acier. N’oublions pas qu’à l’époque le charbon représentait encore la principale source d’énergie. Dans ces conditions, la mise en commun des ressources de charbon et d’acier doit permettre aux deux parties de connaître en permanence l’état de la production de ses partenaires. La CECA doit, en quelque sorte, jouer le rôle d’un mécanisme d’alerte précoce. L’acier étant indispensable à la fabrication d’armement, les mécanismes envisagés sont censés permettre à la France de suivre en permanence l’état de la production allemande. La France sera donc avertie en cas d’augmentation importante de la production d’acier. En dépit de son caractère d’organisation sectorielle, de son caractère très ciblé, la CECA atteint, par conséquent, bien le "nerf de la guerre". Jean Monnet a su convaincre Robert Schuman du bien-fondé de sa démarche. Pour la petite histoire, ce n’est pas un hasard si Monnet s’est tourné vers Schuman. Ce dernier présentait l’incomparable avantage d’être ministre des affaires étrangères et surtout d’être strasbourgeois d’origine. Il était donc, plus que tout autre, concerné par la résolution du "problème allemand". La démarche de Monnet est empreinte de ce que les politistes (c’est-à-dire les spécialistes de science politique) ont qualifié de fonctionnalisme. Pour prendre une image plus parlante, il s’agit de la fameuse "politique des petits pas". Celle-ci sera exprimée par Robert Schuman lors de la célèbre déclaration du 9 mai 1950 : « l’Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. Dans ce but, le gouvernement français propose immédiatement l'action sur un point limité mais décisif. Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande du charbon et de l'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe ». Notons que le 9 mai, date où cette déclaration cruciale a été prononcée, a été érigé en fête de l’Europe. La CECA n’est donc pas une fin en soi. Elle n’est que le début d’un engrenage que les Pères de l’Europe espèrent infernal ! La mise en commun du charbon et de l’acier constitue les prémices d’une union beaucoup plus vaste, appelée à s'étendre progressivement à d'autres domaines. La CECA n’a d’autre but que de poser les jalons d’une union politique. Le professeur Léontin-Jean Constantinesco a ainsi pu dire que « L'intégration européenne n'est pas un être mais un devenir ; elle n'est pas une situation acquise, mais un processus ; elle n'est pas un résultat, mais l'action devant mener à ce résultat ». Cette ambition élevée contraste donc avec un champ d’application pour le moins restreint. Pour y parvenir, les concepteurs de la CECA ont établi une structure profondément originale. En effet, à la différence des organisations classiques, l’essentiel du pouvoir appartient, dans la CECA, à une Haute autorité indépendante des États. Aux côtés de cette Haute Autorité, interviennent également un Conseil spécial des ministres, composé de représentants des États membres, une Cour de justice et une assemblée, composée de représentants des Parlements nationaux. Avec la CECA, est créée la première organisation supranationale. Ce qualificatif signifie que l’action de la Communauté peut être imposée à un Etat membre grâce à l’introduction du vote à la majorité qualifiée. Le traité CECA est entré en vigueur entre six États (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas), le Royaume-Uni ayant choisi de demeurer à l'écart. Conclu pour une durée de cinquante ans, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002. Le charbon et l'acier ont alors été soumis aux dispositions générales du traité instituant la Communauté européenne.
Un excès de précipitation est à l’origine du premier et certainement du plus retentissant échec de la construction communautaire : la Communauté européenne de défense (CED) et la coopération politique européenne (CPE). Ce traité fût signé à Paris le 27 mai 1952. L’objet de cette Communauté européenne de défense était évidemment de réarmer l’Allemagne. Le contexte était ultra sensible, et ce pour deux raisons :
La France était franchement hostile à la reconstitution d'une armée allemande indépendante. Rappelons-nous qu’à cette époque une grande partie de l'armée française était engagée en Indochine. Le risque de voir l’Allemagne profiter de l’institution de la Communauté européenne de défense pour rétablir sa mainmise militaire sur l’Europe était très présent dans les esprits français. Devant le caractère inéluctable du réarmement allemand, l’idée a été avancée de procéder au réarmement allemand dans un cadre européen. Tel est l’objet du Plan Pleven qui consiste à autoriser la participation allemande à la défense atlantique, sans pour autant permettre la renaissance de la Wehrmacht. En d’autres termes, les français sont prêts à accepter la présence de régiments allemands dans une armée européenne, mais refusent catégoriquement la renaissance de l’armée allemande. Cette armée commune serait placée sous l'autorité d'un ministre européen de la défense, nommé par les gouvernements des États adhérents, sous le contrôle d'une assemblée européenne et dotée d'un budget commun. Alors même que le Plan Pleven correspondait à une initiative française, l’Assemblée nationale française refusera de le ratifier le 30 août 1954. A l’hostilité de principe, s’ajoute, en 1954, une profonde mutation du contexte international. La guerre de Corée a pris fin, Staline est mort. Ces deux évènements laissaient auguraient l’avènement d’une ère de détente. L’urgence du réarmement allemand ne parut plus alors aussi prégnante. Ainsi que l’a fort bien écrit M. Gerbet, s’agissant « non plus de charbon et d'acier, mais de ce qui représente l'essence même de la souveraineté nationale, c'est-à-dire la défense et l'armée », le débat a eu tendance à se placer « de plus en plus sur un terrain émotionnel, or le sentiment national était plus fort que le sentiment européen ». Ce refus français de ratifier le plan Pleven est regrettable pour deux raisons :
Alors que la construction communautaire était bien moribonde en 1954, la relance est intervenue à l’occasion de la conférence de Messine en 1955. L’idée est lancée de réfléchir à la création de deux nouvelles communautés :
Ces traités furent signés à Rome le 25 mars 1957 et entrèrent en vigueur le 14 janvier 1958. Ils ont été conclus pour une durée illimitée. La finalité assignée à la CEE était l'établissement d'un marché intérieur sans frontières dans lequel la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux devait être garantie. Cet objectif central était complété par la mise en place de certaines politiques communes, dont la plus importante pour la France était la politique agricole commune. Ces deux communautés s’inspirent du modèle fourni par la CECA. On retrouve certes les quatre institutions principales. Ces deux communautés paraissent néanmoins quelque peu en retrait par rapport à la CECA. La Commission, qui succède à la Haute Autorité, perd l’exclusivité du pouvoir de décision. On observe ainsi un retour de l'intergouvernementalisme.
Ce traité est qualifié d'unique parce qu’il est le premier à aborder tout à la fois la réforme des institutions et l'extension des compétences communautaires mais aussi la coopération politique européenne (CPE). La ratification de l’Acte unique européen marque indiscutablement l’un des temps forts de la construction communautaire. Progressivement, la nécessité d'une nouvelle relance s’était faite sentir. L’achèvement du marché intérieur sur la base des traités existants paraissait chaque jour moins probable en raison du recours à l’unanimité au sein du Conseil. Cette mode de votation ralentissait, en effet, considérablement l’harmonisation des législations nationales. En outre, alors que les dysfonctionnements du Conseil devenaient criants, le Parlement européen a adopté en 1984 un projet de traité sur l'Union européenne. Ce projet, baptisé "projet Spinelli" du nom de son principal inspirateur, soulignait la nécessité d'une révision fondamentale du dispositif institutionnel et en proposait les moyens. L'Acte unique européen a été un succès parce qu'il se rapportait à un objectif concret : la réalisation du marché intérieur pour le 1er janvier 1993. La période qui suivit l'entrée en vigueur de l'Acte unique sera marquée par un intense travail législatif afin de venir à bout des barrières physiques et des obstacles non tarifaires cloisonnant l'espace européen (adoption de centaines de directives). L’AUE a sensiblement étendu les compétences de la Communauté. Celle-ci peut désormais intervenir en matière sociale, de protection de l’environnement, de recherche et de développement technologique. Le traité instaure également une politique de cohésion qui est destinée à permettre aux nouveaux Etats membres de rattraper leur retard dans les domaines économiques et sociaux (Irlande, Grèce, Espagne et Portugal). Enfin, sur le plan institutionnel, l’Acte unique accentue le recours au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil et renforce l’implication du Parlement européen dans le processus décisionnel. Ce faisant, le traité dynamise le processus décisionnel tout en augmentant simultanément le légitimité démocratique de la construction européenne. L’Acte unique consacre également la pratique de la coopération politique et reconnaît officiellement l'existence du Conseil européen. C'est le premier pas vers une construction qui ne soit pas exclusivement économique. |
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