HISTOIRE – Thème 5 Les Français et la République
Question 1 La République, trois républiques Cours 2 Les combats de la Résistance (contre le nazisme et le régime de Vichy) et la refondation républicaine
I. La défaite de 1940, le régime de Vichy et les premières résistances 1. La débâcle de 1940 et la fin de la IIIe République
En juin 1940, l’armée française est vaincue en quelques semaines par la Wehrmacht. Le maréchal Pétain est appelé au pouvoir en pleine débâcle et demande l’armistice aux Allemands. Le 10 juillet, le Parlement lui confie les pleins pouvoirs pour promulguer une nouvelle Constitution qui met fin à la IIIe République. Installé à Vichy, il se proclame chef de « l’Etat français ».
Pétain est un traditionnaliste qui méprise la République qu’il juge responsable du déclin de la France et de la défaite. Anticommuniste et conservateur, il s’appuie sur les valeurs religieuses et réclame un retour à la terre. Les Actes constitutionnels de juillet 1940 concentrent les pouvoirs entre ses mains et mettent fin aux assemblées représentatives et aux pratiques démocratiques. En peu de temps, Pétain met en place une politique de collaboration avec l’occupant, dont la « poignée de main de Montoire » avec Hitler devient le symbole.
Une petite minorité de Français rejette l’armistice. Ainsi, dans un discours diffusé à la BBC le 18 juin 1940, le général de Gaulle appelle les Français à poursuivre le combat. La France libre est ainsi fondée, reconnue et soutenue par les britanniques. Mais peu de Français entendent cet appel et le refus de l’occupation et du régime de Vichy est d’abord le fait de quelques personnes isolées, comme la manifestation des lycéens parisien à l’occasion du 11 novembre 1940.
2. Vichy contre la République
La politique de Vichy, baptisée « Révolution nationale », annule toutes les avancées libérales et sociales de la République. La devise « Liberté, Egalité, Fraternité » est remplacée par celle de « Travail, Famille, Patrie ». Les syndicats sont interdits et seuls les partis politiques qui soutiennent la collaboration ou le collaborationnisme sont autorisés. Les anciens dirigeants de la IIIe République, comme Léon Blum et Edouard Daladier, sont arrêtés et seront jugés lors du procès de Riom (1942).
Pétain jouit d’une certaine popularité auprès des Français : considéré comme le « vainqueur de Verdun », ils lui sont reconnaissant d’avoir signé l’armistice et donc mis fin au désastre militaire. S’ils n’adhèrent pas à la politique de « Révolution nationale », au culte de la personnalité mis en place autour du maréchal ni aux mesures antisémites du régime, bien peu s’y opposent. Une grande majorité de la population se replie sur les difficultés de la vie quotidienne sous l’occupation allemande.
Pétain et son entourage sont profondément nationalistes, xénophobes et antisémites. Dès octobre 1940, un premier statut des Juifs français est promulgué, qui leur interdit l’accès à certaines professions (fonction publique, armée, enseignement et presse notamment). D’autres lois et décrets seront par la suite promulgués par le régime de Vichy à l’encontre des Juifs et le régime collaborera avec l’Allemagne dans la mise en œuvre de la politique de déportation.
3. La défense de la République se replie dans la Résistance
La Résistance intérieure est dans un premier temps peu nombreuse. Elle regroupe toutes les catégories sociales, toutes les familles religieuses et politiques. Les premiers réseaux, peu organisés, sont fondés par des hommes et des femmes qui refusent l’occupation allemande par patriotisme et le régime de Vichy et la collaboration par antifascisme.
Avant même que les mouvements de résistance soient unifiés et que le nombre de résistants commence à augmenter, les premiers mouvements s’organisent sur le territoire : Combat (août 1940), Libération (novembre 1940) et Francs Tireurs (1941). La plupart se revendiquent de l’idéal républicain, des libertés fondamentales et de la démocratie.
Toutefois, les premiers résistants n’entrent pas tous dans l’action au nom de la République et de ses valeurs. On trouve par exemple un certain nombre de monarchistes parmi eux, qui ne tolère pas l’occupation du territoire par les Allemands mais ne se revendiquent pas du régime républicain. De même, lorsque le Parti communiste français entre massivement dans la Résistance contre Vichy et l’occupant en 1941, c’est à la suite de la rupture du pacte germano-soviétique et de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne.
II. L’idée républicaine, une priorité pour la Résistance 1. La France libre et le GPRF
A Londres, l’attitude du général de Gaulle vis-à-vis de la République est au départ ambiguë : il s’adresse directement aux Français par l’intermédiaire de la BBC et se définit comme le « chef de tous les Français libres », appelant à la poursuite du combat aux côtés des Alliés, mais sans références explicites à la démocratie, aux pratiques parlementaires ou à la République.
Cependant, dès 1942, il annonce clairement sa résolution à « recouvrer intégralement la forme républicaine du gouvernement ». En 1943, de Gaulle met en place une Assemblée consultative à Alger, réunissant des représentants de la France libre et de la résistance intérieure, mais également des représentants des partis politiques et des syndicats. Et le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) est créé le 2 juin 1944 à la place du Comité français de la Libération nationale (CFLN).
A la libération, le GPRF devient la seule autorité légitime en France. Des Commissaires de la République sont nommés dans tous les départements afin de restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Le GPRF encourage les partis politiques à se reconstituer ou à se constituer et restaure la démocratie en organisant en 1945 des élections municipales puis législatives auxquelles les femmes participent pour la première fois. Le gouvernement provisoire met également en œuvre le programme élaboré par le CNR.
2. La Résistance intérieure
On compte pas moins de 8 mouvements de résistance en France, allant de l’extrême-droite à l’extrême-gauche de l’échiquier politique, certains rassemblant des membres d’origine diverse. Ainsi, Ceux de la Libération sont proches de l’extrême-droite alors que le Front national est un mouvement communiste. Combat rassemble des démocrates-chrétiens et des gaullistes, alors que Libération-Nord rassemble des membres de la gauche non communiste, etc.
Chargé par de Gaulle d’unifier la Résistance intérieure, Jean Moulin crée le Conseil national de la Résistance (CNR) en mai 1943. Il rassemble les principaux mouvements de la Résistance intérieure, ainsi que les représentants de différents partis politiques et de syndicats – la lutte contre l’occupant et le régime de Vichy ainsi que l’idéal républicain deviennent donc le dénominateur commun de la Résistance intérieure. Le CNR se place sous l’autorité du général de Gaulle.
A partir du début 1944, tous les mouvements de Résistance intérieure sont regroupés au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Elles participent à la libération du territoire national après le débarquement des Alliés et des FFL en Normandie, le 6 juin 1944.
3. Le programme du CNR
Le 15 mars 1944, le CNR publie un programme de réformes destiné à être mis en place par le GPRF. Ce programme prévoit d’assurer le rétablissement de la démocratie et des libertés fondamentales (liberté de la presse, d’expression, d’association, etc.). Il précise que la démocratie repose sur la parole du peuple français exprimée à travers le suffrage universel. On voit donc que le programme politique du CNR prévoit bien le rétablissement d’un régime fondé sur les valeurs de la République.
Le programme va plus loin puisqu’il comporte un volet économique et social important, prévoyant des nationalisations, la mise en place d’un « plan de sécurité sociale », « la sécurité de l’emploi », la liberté syndicale, le droit à la retraite et à l’instruction, etc. Il prévoit également l’extension de tous ces droits aux populations indigènes des colonies. On notera également que le programme du CNR dénonce explicitement « le régime de basse réaction instauré par Vichy ».
Après la libération de Paris (26 août 1944), le GPRF commence à prendre des mesures restaurant la République sur le territoire national : l’autorité de l’Etat est restaurée et des « commissaires de la République » sont envoyés dans chaque département pour le représenter. Une épuration légale est organisée par la mise en place d’une Haute Cour de Justice afin de restaurer l’unité nationale. Les milices sont désarmées.
III. Le compromis issu de la résistance et la IVe République 1. Vers une République sociale ?
Le GPRF adopte également des mesures allant dans le sens du programme du CNR. Afin d’assurer la reconstruction du pays, l’Etat prend une place plus importante dans l’économie. Des secteurs-clés sont nationalisés : énergie (création d’EDF-GDF), secteur bancaire (Crédit Lyonnais, Société Générale), assurances (AGF), transports (Air France). De même, des entreprises ayant collaboré avec l’occupant font l’objet de nationalisations-sanctions, comme Renault ou Gnome et Rhône. Un Commissariat général au plan est également créé pour favoriser la reconstruction.
Sur le plan social, les premières mesures du GPRF s’inspirent également du programme du CNR : Une des premières mesures du gouvernement provisoire concerne le droit de vote des femmes, accordé par une ordonnance d’avril 1944. Sur le plan social, la Sécurité Sociale est crée par les ordonnances d’octobre 1945 et des comités d’entreprise sont créés afin de donner plus de droits aux travailleurs et de poids aux syndicats.
Les élections législatives d’octobre 1945 portent au pouvoir une large majorité de gauche, dominée par le PCF, la SFIO. Le Mouvement républicain populaire (MRP), composé de chrétiens démocrates, effectue également une percée tandis que les partis de droite sont largement affaiblis. Les conditions politiques de la mise en place d’une République sociale semblent donc réunies.
2. Les désaccords politiques
Mais le retour du parlementarisme entraîne celui du jeu des partis politiques. Dès 1945, les désaccords sur le futur régime politique de la France apparaissent, même si personne ne songe à revenir à la IIIe République discréditée par la défaite de 1940. Les principaux partis politiques issus de la Résistance sont favorables à un régime parlementaire : selon eux, les représentants du peuple doivent contrôler l’essentiel du pouvoir. La scène politique est alors dominée par les partis de gauche (SFIO et PCF principalement), la droite ayant été en partie discréditée par sa proximité idéologique avec le régime de Vichy.
Le général de Gaulle en revanche, que l’Assemblée Constituante vient d’élire président du GPRF, est favorable à un pouvoir exécutif fort et pense que celui-ci doit revenir au chef de l’État «placé au-dessus des partis» (discours de Bayeux). Les désaccords entre de Gaulle et les partis politiques portent également sur les finances, l’économie, la politique coloniale, etc.
Le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionne, pensant qu’il sera rappelé rapidement. Pourtant, la SFIO, le PCF et le MRP parviennent à s’entendre pour proposer aux Français une nouvelle Constitution et pour gouverner ensemble dans le cadre du « tripartisme ».
3. La IVe République
La Constitution de la IVe République est difficilement adoptée par référendum le 13 octobre 1946, par une courte majorité (56% de «oui»). Cette Constitution accorde des pouvoirs importants à l’Assemblée nationale, alors que le pouvoir exécutif est affaibli. Ces institutions sont finalement assez proches de celles de la IIIe République. Un premier gouvernement de coalition entre en fonction le 21 janvier 1947. La nouvelle Constitution garantit des droits politiques et sociaux qui s’inscrivent dans l’action du CNR (démocratie, droits fondamentaux, garanties de protection sociale, etc.).
Mais dans le même temps, le pays se divise politiquement. Au moment où le PCF passe dans l’opposition et déclenche des mouvements de grèves et des manifestations dans le pays, de Gaulle revient sur la scène politique en créant un nouveau parti, le Rassemblement du peuple français (RPF), qui conteste vivement le régime et les institutions, et dénonce l’impuissance du gouvernement face à la menace communiste.
Toutefois, l’œuvre du GPRF et du CNR trouve un prolongement dans les réformes sociales promulguées par les gouvernements de la IVe République : assurance vieillesse et allocation logement (1948), création d’un SMIG et des HLM (1950), programmes de constructions de logements et 1% patronal, troisième semaine de congés payés (1956), etc.
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