Résumé : Cet article aborde trois questions : comment se pose, dans un pays comme le Brésil, la question du développement de la filière agro-énergétique à partir de la canne à sucre ?





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Le défi des biocarburants, l’exception brésilienne



Martine Droulers, CNRS-IHEAL1
Résumé : Cet article aborde trois questions : comment se pose, dans un pays comme le Brésil, la question du développement de la filière agro-énergétique à partir de la canne à sucre ? Comment s'opère la progression spatiale et la concentration  industrielle et régionale de cette agro-industrie dans un pays marqué par des structures de production très différenciées et inégales? Enfin, comment le modèle productiviste qui relance les problèmes écologiques et technologiques répond, en partie, aux défis de la modernisation et du développement territorial ?
Les biocarburants représentent un double défi agricole et industriel de transformer la biomasse en énergie et, pour le Brésil si on se limite plus spécifiquement aux agrocarburants, de transformer la canne à sucre en éthanol et le soja en biodiesel. Malgré le consensus qui se dégage dans les médias et la communauté scientifique pour souligner combien les biocombustibles2, qui diminuent les gaz à effet de serre, sont une solution pour un mode de transport écologiquement correct, une forte pression internationale s’élève contre les agrocarburants au motif qu’ils mobiliseraient trop de terres agricoles et provoqueraient un choc alimentaire. Le Brésil avec son immense disponibilité de terres échappe à cette critique3, cependant de nombreux points du développement de la filière demeurent en discussion.
Avec 16 milliards de litres d’éthanol produits en 2005 et 19 en 2007, le Brésil demeure le premier producteur d’un marché mondial qui devrait établir un record à 62 milliards de litres en 2008 et pourrait tripler durant les dix prochaines années entraînant une mobilisation agricole et industrielle de grande envergure. En effet, avec le développement du commerce international des agrocarburants, le Brésil se trouve au cœur de négociations commerciales conduites par les Etats-Unis, le Japon et l’Europe4. Le président Lula se présente, en toutes circonstances, comme le grand défenseur et ambassadeur des biocarburants.
L’enjeu du développement d’une filière agro-énergétique est multiple, économique, écologique, social et régional. L’approche géographique choisie ici met en relation l’étude des circuits de la filière et leur territoires, ce qui implique de retenir un certain nombre de processus qui sous-tendent la croissance économique et se déroulent dans des territoires spécifiques, ici l’Etat de São Paulo et ses marges. La modernisation agricole brésilienne s’est longtemps caractérisée par une progression technologiquement innovante, mais socialement conservatrice, avec la persistance de relations de travail souvent archaïques. On émet cependant l’hypothèse que l’actuel développement de la filière sucre-alcool, outre son caractère innovateur sur le plan de l’écologie industrielle, pourrait cette fois jouer un rôle socialement intégrateur et poser les bases d’une possible « écologie sociale », c’est-à-dire fondée sur des conditions de travail et de vie décentes à tous les niveaux de la filière.


Le nouveau cycle d’expansion de la filière sucre-alcool


La filière sucre-alcool5, emblématique de ce Brésil rural aux fondements de la nation brésilienne, s’inscrit, comme beaucoup de secteurs d’activité au Brésil, dans la mondialisation et connaît à ce titre une importante révolution technologique. Le Brésil, devenu premier producteur mondial de sucre et d’alcool, modernise sa filière sucrière en parallèle avec la croissance d’une filière agro-énergétique pour répondre au défi de l’utilisation de combustibles moins polluants.

Le Brésil, vaste pays tropical caractérisé par une abondance d’eau et de soleil est donc en passe de présenter un modèle alternatif pour atteindre l’autonomie énergétique à partir de la biomasse. L’utilisation de l’alcool de canne comme carburant remonte dans ce pays aux années 1930, quand 5% d’éthanol entrait déjà dans le mélange avec l’essence. Des innovations technologiques ont conduit à ce que la transformation de ce produit traditionnel gagne en efficacité énergétique au moment où le recours plus systématique aux biocarburants désigne ces ressources bio-énergétiques comme une alternative plausible permettant de donner une plus grande autonomie aux utilisateurs pour adapter leur consommation aux fluctuations du marché. Il est notoire que l’alcool de canne à sucre se trouve être le biocombustible à plus haute productivité au monde et qui présente le meilleure bilan énergétique lors de sa transformation. Les recherches s’intensifient, de nouveaux procédés d’hydrolyse sont mis au point pour transformer les résidus agricoles ou forestiers en alcool6 et des aides fiscales interviennent en différents points de la filière (semences, eau, terres…)
On peut dire qu’une révolution technologique s’opère dans les « canaviais » (champs de canne), lieux symboliques de la culture coloniale ; même si des relations de travail encore archaïques y subsistent souvent (Fapesp, 2007). Le Brésil réussit en effet à faire coexister la modernité technique avec un coût du travail très bon marché, la réserve de main d’œuvre des nordestins, toujours facilement mobilisable, permet en effet le démarrage du processus de modernisation à grande échelle dans les régions les plus réactives, principalement São Paulo. Le problème récurrent d’un processus aussi rapide est celui de l’épuisement des sols, de la dégradation des milieux et la généralisation des mauvaises conditions de travail.

L’adoption de techniques plus performantes, de nouveaux procédés moins gaspilleurs, de regroupements changent la donne alors même que coexiste le moderne et l’archaïque. Des fusions-acquisitions d’usines-distilleries s’opèrent et des alliances stratégiques se nouent pour garantir l’accès au marché mondial. Le développement national doit-il se faire aux dépens du développement régional ? São Paulo à la tête de tous les grands cycles de l’économie brésilienne depuis un siècle, est encore une fois en point de mire.

La filière sucre-alcool fait de plus en plus souvent la une des journaux, son extraordinaire expansion qui concerne, en 2006, 72 000 producteurs de canne à sucre, offre 700 000 emplois directs et plus de 3 millions d’emplois indirects. Les enjeux sociaux, en terme d’emplois sont donc très importants, les enjeux économiques ne le sont pas moins avec un chiffre d’affaires qui s’élève à 41 milliards de reais et représente 3,6% du PIB brésilien (à peine inférieur à celui du café) et des ventes extérieures qui s’élèvent à 5,6 milliards de dollars pour l’Etat de São Paulo.

Dans un pays de la taille du Brésil qui a un potentiel agricole encore inexploité et plus de 100 millions d'ha non cadastrés, on ne peut pas dire que les cultures énergétiques entrent directement en concurrence avec les cultures vivrières. Pour l’Etat de São Paulo, il a été calculé que les champs de canne s’étendaient surtout aux dépens de pâturages peu productifs. Les seuls effets sont au niveau des prix et de l’impact de la progression de l’agrobusiness qui provoque de fortes tensions sur les marchés des produits agricoles. Il ne faut donc pas les sous-estimer : un effet d’augmentation en chaîne des prix des denrées agricoles toujours à craindre quand la production d’éthanol est subventionnée par le gouvernement, comme ce fut le cas pour le maïs aux Etats-Unis dont les prix ont connu une forte poussée lors du plan Ethanol7.

Des programmes de développement des biocarburants ont été au centre des politiques énergétiques brésiliennes depuis le premier choc pétrolier de 1974, lorsque l’audacieux Proalcool, programme national de l'Alcool, entraîne la restructuration de la filière alcool-sucrière et l’engouement pour une innovation nationale8. Le Proalcool, riche en trouvailles techniques9 et adaptations économiques, est celui, parmi les programmes comparables dans le monde, qui a connu le meilleur succès. Son démarrage est euphorique, la production de voitures tout alcool atteint en 1980, 254 000 véhicules (un tiers de la production du pays) ; cependant, l’euphorie est de courte durée, en 1981, 130 000 véhicules, trois fois moins que les prévisions, et l’année 1982 confirme la déroute. Les distillateurs, avec 4,4 milliards de litres en 1980 et 5,1 milliards de litres en 1981, disent avoir rempli leur contrat, la difficulté semble venir des constructeurs automobiles qui ont livré des moteurs à alcool pleins de défauts, trop lents au démarrage, vibrant et calant souvent (Coriat, 1982). A l’Etat qui subventionnait déjà le prix de l’alcool à 60% de celui de l’essence, les constructeurs demandent de subventionner la voiture elle-même. Le programme entre véritablement en crise à la fin des années 1980, lorsque les prix du pétrole se mettent à baisser durablement ; les aides gouvernementales se font alors plus rares et la place des biocarburants diminue inexorablement dans le bilan énergétique du Brésil.

Toutefois, la conjoncture change et à la fin des années 1990, une loi sur les biocombustibles leur redonne une place centrale dans la politique énergétique10. La firme Bosch met au point, dans sa filiale de Campinas, la technologie flex-fuel, couronnée en 2003 par la sortie des chaînes de montage de plusieurs constructeurs de la voiture au moteur flex-fuel, c'est-à-dire polycarburant fonctionnant indifféremment à l'essence, à l'alcool ou au mélange entre les deux carburants (avec le slogan « véhicule intelligent pour consommateur intelligent »). Pour les 20 millions d’automobiles qui circulent aujourd’hui au Brésil, la proportion des carburants consommés s’établit comme suit : 56% d’essence, 37%, d’alcool et 6% de gaz naturel véhiculaire (GNV).

Au début de 2007, plus de 80% des automobiles vendues au Brésil sont flex fuel, ce qui représente un total 2,6 millions de véhicules (avec une prévision de mise en circulation de 9 millions de véhicules flex fuel d’ici 2010). Le consommateur peut donc arbitrer entre les carburants selon leur disponibilité et leur prix, celui de l'alcool étant toujours un peu inférieur à celui de l'essence pour tenir compte de la moindre densité énergétique du produit entraînant une consommation sensiblement supérieure. Depuis 2007, le programme éthanol s’étend aux autobus urbains.

Comme le fait remarquer Bernard Bret11, l'éthanol est aujourd'hui rentable au Brésil ; sa rentabilité résulte des progrès techniques réalisés à toutes les étapes de la filière, que ce soit le rendement de la canne à sucre, sa teneur en sucre, la motorisation de la récolte, le traitement de la canne, la conception de distilleries de grandes dimensions autorisant des économies d'échelle. En 30 ans, de 1975 à 2005, le prix de revient de l'alcool-carburant est ainsi passé de l'indice 100 à l'indice 40, pour s’établir à 0,15 euro le litre12. Il faut dire que la canne à sucre a une efficacité énergétique remarquable, que l’éthanol est un excellent combustible, même s’il demeure coûteux de le substituer complètement à l’essence13. C'est pourquoi l'alcool produit aux Etats-Unis à partir du maïs est moins compétitif (0,37 euro le litre), et l'alcool produit en Europe à partir de plusieurs céréales encore moins (de 0,50 à 0,60 euro le litre, en 2005).

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