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Réserves pétrolières, évolutions possibles des productions et des prix Proposition de note, Groupe de travail Pétrole, Académie des technologies Denis Babusiaux, Pierre-René Bauquis Draft, novembre 2004 INTRODUCTIONLongtemps réservée à des débats de spécialistes, la question du pic de la production pétrolière mondiale est maintenant couramment évoquée par la grande presse. Celle des prix du pétrole fait souvent la « une » de nos quotidiens. L’objectif de cette note est de présenter une synthèse des différents points de vue en présence. Nous mettrons l’accent sur l’étude du moyen et long terme et n’évoquerons que brièvement les aspects géopolitiques et leurs conséquences à court et moyen terme. Nous n’aborderons pas l’analyse du fonctionnement à court terme des marchés (marchés spot et marchés à terme, comportement des fonds non commerciaux , influence des statistiques de stocks, …) Nous consacrerons la première partie de ce document aux données et aux hypothèses concernant les réserves et les profils de production. Nous analyserons ensuite les mécanismes de formation des prix. Dans une troisième partie nous présenterons brièvement quelques scénarii d’évolution possible. I. RESERVES ET PRODUCTIONS I.1. Les notions de ressources et de réserves. Dans l'industrie pétrolière, il est d'usage courant de distinguer ressources et réserves. Les premières correspondent aux quantités d'hydrocarbures en place, récupérables ou non. Les réserves sont formées des accumulations identifiées qui sont ou seront récupérables dans les conditions techniques et économiques d'aujourd'hui. Les réserves de pétrole dites prouvées sont estimées à un millier de milliards de barils (entre 1 et 1,2), soit 150 milliards de tonnes environ ou encore une production d'une quarantaine d'années au rythme actuel. En tonnes d'équivalent pétrole, les réserves gazières représentent un volume du même ordre de grandeur que celui des réserves pétrolières, mais ces quantités correspondent à un ratio réserves sur production de plus de 60 ans. Les réserves de charbon représentent de l'ordre de 200 ans de production au rythme actuel, mais les définitions des réserves de charbon ne sont pas homogènes avec celles de pétrole, en particulier parce que les gitologies sont très différentes. Il convient de remarquer que les réserves d'un gisement ne sont connues de façon exacte que lorsque l'exploitation en est terminée et que le terme de réserve prouvée peut donner lieu à diverses appréciations. Il n'a pas la même signification pour les états producteurs ou pour la SEC (Securities and Exchange Commission). Pour les sociétés cotées en bourse de New York, la SEC définit les réserves prouvées comme celles dont l'existence est démontrée à partir des données géologiques "avec une raisonnable certitude". L'amplitude des réévaluations à la hausse des réserves aux Etats Unis montre qu'il s'agit de règles particulièrement prudentes. Les réserves dont disposent les compagnies qui se conforment aux normes de la SEC ne représentent que 5 % environ des réserves mondiales. En dehors des pays industrialisés, les statistiques concernant les pays producteurs sont données par les états. Ces dernières sont en général comparables non aux réserves prouvées au sens de la SEC, mais plutôt aux réserves "prouvées + probables" définies par les compagnies comme celles dont la probabilité d'existence est supérieure ou égale à 50%. La figure 1 donne l'évolution des réserves prouvées mondiales dans le passé. On observe une forte augmentation en1986-1987. Il convient de noter qu'elle n'est pas due à des découvertes S ![]() ource : BP Statistical Review 2004 Figure 1. Evolution des réserves pétrolières mondiales exceptionnelles mais à une réévaluation des réserves affichées par les pays de l'OPEP. En effet, la définition des quotas de production de chacun des membres de l'organisation est liée au volume de ses réserves. Certaines réévaluations sont donc politiques. Elles ne sont pas effectuées uniquement à la hausse. Ainsi, lorsque le Mexique a rejoint la zone de libre échange nord américaine, ce pays a révisé ses réserves à la baisse pour se mettre en conformité avec les normes en vigueur aux Etats Unis. Au total, ceci a conduit le Mexique à diviser par un facteur 3 ses réserves "prouvées", ce qui illustre à nouveau les incertitudes portant sur ce type de données. Les principales sources statistiques sont publiée s par Oil and Gas Journal , par le BP Statistical Review et par l'USGS (United States Geological Survey). Les deux premières paraissent une fois par an et s'appuient sur les données fournies par les états. Longtemps convergentes, elles font apparaître une différence notable depuis 2003, année à partir de laquelle Oil an Gas comptabilise en réserves 175 milliards de barils à extraire des sables asphaltiques de l'Athabasca au Canada, considérés auparavant comme ressources "non conventionnelles"1 alors que BP inclut uniquement les volumes qui font l'objet d'une exploitation ou d'un développement en cours. Les études de l'USGS ont pour objet non seulement l'analyse des réserves découvertes mais aussi l'estimation des réserves ultimes, qui incluent les réserves restant à découvrir et l'effet estimé pour le futur de l'amélioration des taux de récupération , nous y reviendrons en section 4. La dernière publication de l'USGS est datée de 2000. La figure 2 donne la répartition géographique des réserves. Nous n'insisterons pas sur les implications géopolitiques de cette répartition qui sont bien connues. ![]() Figure 2. Réserves pétrolières et ratio réserves/production 2003 . Si les données relatives aux réserves prouvées sont sujettes à discussion, la question des réserves qui peuvent encore être découvertes et celle de l'amélioration future des taux de récupération donnent, elles aussi, lieu à d'importantes controverses. I.2. Les arguments des optimistes Si les pessimistes sont surtout des géologues, le groupe des optimistes est essentiellement formé d'économistes tels que Morris Adelman et Michael Lynch du MIT. Il font tout d'abord remarquer que les prévisions de raréfaction des ressources faites dans le passé ont toujours été démenties. Ainsi, à la fin du 19è siècle, de nombreux experts prévoyaient un arrêt du développement industriel qui s'appuyait sur l'énergie du charbon, dont les réserves étaient estimées alors à 20 ans de production (de l'époque). En 1919, un article bien documenté paraissait dans "La Technique Moderne", montrant que la production pétrolière des Etats-Unis devait plafonner à très court terme, les réserves étant estimées à 22 ans à rythme constant, et que les ressources liées aux importations à partir du Mexique ou du Venezuela permettraient seulement de repousser de quelques années la pénurie annoncée. Qui avait dit : "Je m'engage à boire tout le pétrole que l'on trouvera à l'Ouest du Mississipi ?" Plus près de nous, en 1979, BP publiait une étude intitulée « Oil crisis … Again ? » faisant apparaître un pic de la production mondiale (hors pays de l’ex URSS) en 1985. En 1990 il y avait un quasi consensus pour prévoir le pic de production de la mer du Nord vers 1995, date qui a été sensiblement repoussée. Ce sursis a été obtenu grâce à l'amélioration des taux de récupération et à la présence des infrastructures mises en place pour les gros gisements. Elles ont pu être utilisées pour écouler la production des petits gisements dont le développement isolé n'aurait pas justifié les investissements correspondants. Quant à King Hubbert, sa notoriété vient de la précision avec laquelle, nous y reviendrons, il avait annoncé en 1956 le pic de production des Etats-Unis de 1970. Comme le fait remarquer Michael LYNCH ( ), il avait cependant fait d'autres estimations qui se sont avérées fort éloignées des valeurs observées ex post. Celles relatives pour 2000 à la production du Texas (zone pourtant considérée comme "mature" dès cette époque), à la production de gaz aux Etats-Unis ou à la production mondiale sont dans un rapport de 1 à 2 ou moins par rapport aux réalisations. Les pessimistes s'appuient sur les connaissances acquises en matière de géologie qui conduisent à considérer comme très peu probables d'heureuses surprises de découvertes majeures. La plus grosse découverte au plan mondial des 30 dernières années, celle de Kashagan, estimée à 10 milliards de barils, permet de repousser le pic de la production mondiale de trois à quatre mois seulement. Depuis plusieurs décennies, les bassins sédimentaires sont bien délimités, et les estimations de réserves ultimes récupérables, (intégrant les productions passées) même si elles sont assez dispersées, oscillent entre 1,5 et 3 milliers de milliards de barils (Fig.3). Les optimistes observent cependant une tendance à la hausse au cours du temps des estimations de réserves ultimes en provenance d'une source donnée. Ainsi l'USGS ("United States Geological Survey") publiait en 1984 une estimation à 1 700 milliards de barils passant en l'an 2000 à 3 000 Gb. De même, les ![]() Figure 3. Réserves ultimes récupérables estimations de C. CAMPBELL fondateur de l'ASPO et auteur de l'ouvrage "The coming oil crisis", sont passées de 1575 Gb en 1989 à 1750 en 1995 et à 1950 Gb en 2002. Une autre source d'inquiétudes des pessimistes est relative au taux de déclin des productions, qui va en s'accélérant . Ce phénomène est dû à la mise en œuvre de procédés qui permettent d'accélérer la production et donc son déclin. Les optimistes considèrent que les progrès techniques correspondant à ces procédés permettent également de développer plus rapidement les gisements qui prendront le relais. John MITCHELL (ancien "Chief Economist" de BP, actuellement au Royal Institute for International Affairs) remarque que malgré les prévisions de plafonnement de la production non-OPEP, celle-ci augmente avec une régularité remarquable. Les pessimistes s'inquiètent du fait que le renouvellement des réserves se fait seulement pour un tiers environ par des nouvelles découvertes. Le reste est obtenu par réévaluation de découvertes anciennes, que ce soit grâce à une meilleure connaissance du gisement ou grâce à une amélioration des taux de récupération. Pour eux, la baisse du volume des découvertes ne peut que conduire à une baisse du potentiel de réévaluations futures. M. ADELMAN répond qu'au Moyen-Orient, le faible niveau des découvertes peut s'expliquer simplement par le fait que les réserves obtenues par des développements modernes et des réévaluation de réserves de gisements anciens coûtent moins cher que celles obtenues par exploration, ce qui explique une activité d'exploration très limitée dans ces pays. La majeure partie des forages d'exploration est réalisée dans les pays les plus ouverts et considérés comme les moins risqués d'un point de vue politique et économique, c'est à dire dans les pays les plus explorés, alors que les pays offrant les meilleures perspectives de découvertes font l'objet d'une exploration réduite. Dans les pays en développement non OPEP, le nombre de forages représente seulement 2 % de ceux effectués aux Etats-Unis. Enfin un géologue, pourtant assez pessimiste sur les réserves ultimes de pétrole conventionnel, Alain Perrodon (2004), fait remarquer que c'est avec de nouvelles idées que l'on trouve de nouvelles ressources, que de nouveaux concepts apparaissent de façon cyclique en géologie, ce qui doit "nous garder de tout pessimisme". Il cite les pétroles non conventionnels. On peut aussi penser aux gisements profondément enfouis (à des profondeurs supérieures à 5000 ou 6000 m). De fortes incertitudes pèsent sur les volumes correspondants mais des espoirs apparaissent avec l'amélioration de la sismique et des techniques de forage adaptés à ces horizons. Ces prospects ont longtemps été considérés comme plutôt favorables au gaz, car la température à grande profondeur entraîne un craquage des hydrocarbures. Les spécialistes estiment cependant qu'un bon nombre de bassins pourraient présenter un gradient de température favorable à la présence d'huile, En résumé, les optimistes admettent naturellement le caractère fini des ressources pétrolières mais font confiance aux capacités d'innovation de l'industrie et au progrès technique pour accéder à de nouvelles réserves. Ils estiment que seule une partie des ressources est aujourd'hui connue. Les productions possibles, toujours selon M. ADELMAN, sont le résultat d'une course entre l'épuisement des gisements connus et le progrès technique. Ce dernier a dans le passé fait la course en tête. Certains de ses effets permettent des évolutions relativement régulières, diminution des coûts de forage, amélioration des taux de récupération, meilleure image du sous-sol. D'autres sont plus difficiles à prévoir. Ainsi, dans le début des années 80, la production des huiles extra-lourdes de la ceinture de l'Orenoque au Venezuela étaient considérées comme rentables seulement pour du baril de prix du brut dépassant les 30 à 40 $ (de l'époque). Le progrès technique, principalement la généralisation du forage horizontal, a permis d'abaisser ce seuil à moins de 15 $ d'aujourd'hui (soit de l'ordre de 8 $ de 1980). I.3. Le point de vue dit des "pessimistes" Ils insistent tout d'abord sur le caractère politique , nous l'avons cité en section 1, des réévaluations de réserves faites par les pays de l'OPEP en 1986-87, qui ne correspondent pas à des réserves prouvées. Leur point de vue se résume comme suit : "Le pic de la production pétrolière mondiale se situera entre 2005 et 2010 à un niveau de l'ordre de 90 millions de bbl/jour, tous hydrocarbures naturels confondus". C'est le point de vue de l'ASPO ("Association for the Study of Peak Oil and Gas") ou du moins de son Président Colin Campbell(ex BP) et d'un des principaux piliers de cette association, Jean Laherrère (ex Total). Il existe des variantes à l'intérieur même de l'école pessimiste, depuis des ultra-pessimistes pour lesquels le pic est en ce moment (2003-2004) tels K. Deffeyes (ex Shell et ex collègue de King Hubbert, actuellement professeur à Princeton), jusqu'à des demi pessimistes tels P.R. Bauquis (1999) pour qui le pic se situerait vers 2020 au niveau d'une centaine de millions de b/jour.. Les principaux arguments des pessimistes reposent sur les considérations ci-après :
Le contre argument des pessimistes (certains membres de l'ASPO eux-mêmes ont révisé à la hausse des chiffres de réserves qu'ils prédisaient il y a 5, 10 ou 15 ans …) est de dire que premièrement, nous disposons enfin et depuis peu d'un accès à l'ensemble des données 3G (géologie, géophysique, réservoir) de tous les bassins pétroliers, et deuxièmement que l'échantillonnage de ces bassins sous forme de puits est désormais suffisant pour que des méthodologies prédictives des réserves restant à découvrir soient désormais raisonnablement fiables (disons à plus ou moins 20 % près). Si cela est vrai le gros de l'incertitude concernant les réserves d'hydrocarbures liquides nous restant à produire au cours du XXIè siècle concerne l'évolution des taux moyens de récupération que l'on peut envisager à l'avenir.
Les pessimistes pensent que lors des cinquante années à venir ce taux pourrait être amélioré (par le jeu du progrès technologique et de prix du pétrole 3 ou 4 fois plus élevés en monnaie réelle) d'environ un tiers, c'est-à-dire passer à 45 ou 47 % (P.-R. Bauquis 2004). Pour les optimistes, le chiffre serait de l'ordre de 60 % (Schlumberger)2. Remarquons que ce taux peut être assez sensible au prix du brut qui conditionne le recours à de la récupération assistée, particulièrement pour les huiles lourdes et extra lourdes.
Cette approche semble solide car elle se résume à des principes très simples :
En effet, pour les spécialistes, les concepts pertinents à prendre en compte sont ceux des ressources et des réserves ultimes. Le concept des "réserves prouvées" masque le fait que, au cours des trente dernières années, 50 % seulement des additions de réserves récupérables est dû à l'exploration, et que, au cours des dix dernières années, ce chiffre serait tombé à 35% environ . Il est évident que la réévaluation des réserves des champs associés ne peut se poursuivre indéfiniment et qu'il y a une asymptote (reste à savoir si cette asymptote correspondra à un taux moyen de récupération de 45 % ou de 60 % …, ce qui constitue une importante incertitude résiduelle). |
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